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Le délit d’ambiguïté

Après un débat sur l’identité nationale complètement raté, et au nom de la lutte contre le racisme (une lutte tout ce qu’il y a de plus louable), on voit se développer en France une nouvelle forme de délit d’opinion, que j’appellerais délit d’ambiguïté.

Deux « affaires » illustrent cette situation, il s’agit des réactions suscitées par les interventions de MM. Longuet et Zemmour. A propos de la question de la succession à la présidence de la Halde, le premier a déclaré qu’il était d’après lui préférable que soit nommée une personne issue du « corps traditionnel français ». Lors d’une émission de télévision où il faisait la promotion de son dernier livre, le deuxième a parlé des contrôles policiers en ces termes : « Les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes… C’est un fait. ». On notera au passage la contorsion effectuée par M. Longuet pour évoquer les Français non-issus de l’immigration. Pour ceux-ci, comment les évoquer ? Blancs ? Ce serait oublier les immigrants des précédentes vagues d’immigration venus de Pologne, d’Italie… Français de souche ? Ce serait faire une discrimination inacceptable : tout Français est Français, un point c’est tout. Sauf quand il est issu de l’immigration, ou issu de la diversité. Une difficulté sémantique qui a rendu M. Longuet coupable d’une nouvelle forme de délit : le délit d’ambiguïté.

Au vu des nombreuses réactions qui ont accompagné ces différentes déclarations, on constate qu’au-delà de l’impératif, très encadré par la loi, de ne pas proférer de propos racistes, il devient également interdit de laisser penser que l’on pourrait être raciste. L’illustration en est parfaite dans le cas de M. Zemmour. Quand on réécoute ses propos, deux interprétations sont possibles, considérant qu’il n’existe aucune statistique sur le sujet (pour des raisons légales) en France.

1)      M. Zemmour n’en sait rien, mais étant un raciste qui ne se cache plus, il part du principe que les populations noires et arabes sont par nature plus enclines aux méfaits, et sont donc majoritaires parmi les trafiquants.

2)      Se fondant sur l’idée généralement admise que la pauvreté et des conditions sociales difficiles sont le terreau de la criminalité, et que les populations immigrées font en général face à des conditions plus difficiles que les populations installées depuis plusieurs générations, il conclut à la surreprésentation parmi les trafiquants de noirs et d’arabes.

M. Zemmour a fait la preuve il me semble de sa capacité de raisonnement, et il me semble évident que c’est ce deuxième cheminement qu’il a effectué pour aboutir à la conclusion qu’il a énoncée. Quoi qu’il en soit, personne n’a songé à demander à M. Zemmour d’expliciter sa pensée, de la préciser. Au lieu de cela, de nombreuses voix se sont immédiatement élevées (responsables politiques de gauche comme de droite, associations telles la Licra, le Mrap…) pour demander à faire taire le journaliste.

Si M. Zemmour avait développé sa pensée, l’aurait-on critiqué de la même manière qu’on l’a fait ? Si oui, alors c’est que le débat d’opinions n’est plus autorisé en France, car cette position, en l’absence de données chiffrées, me paraît tout ce qu’il y a de plus défendable. Si non, c’est donc uniquement parce qu’il a laissé planer un doute que l’on se propose aujourd’hui de le faire venir devant un tribunal (action envisagée par la Licra) ou de le licencier (entretien avec la direction du Figaro).

Il a laissé planer une ambiguïté.

M. Longuet a subi la même logique. Lui aussi est victime de la double interprétation possible de ses propos, de manière peut-être encore plus insidieuse. Voici donc les deux possibilités en ce qui le concerne :

1) M. Longuet est un raciste qui souhaite faire de la discrimination à l’encontre des populations d’origine immigrées, et il n’accepte pas que l’un de ses représentants accède à une fonction d’importance.

2) Considérant que certaines nominations de personnes issues de la diversité à des postes d’importance sont souvent interprétées comme des gestes symboliques d’intégration, il signale que dans le cas de la Halde, le symbole serait d’avoir à sa tête quelqu’un qui ne soit pas issu de cette même diversité.

Le malheur de M. Longuet, c’est qu’il n’existe pas d’expression politiquement et socialement correcte pour évoquer un Français non-issu de la diversité (outre l’expression employée ici, « Français non-issu de la diversité », assez paradoxale il faut l’avouer et guère satisfaisante). En faisant cela, on « stigmatise » en effet ces Français qui sont eux issus de l’immigration, qui ne seraient pas de « vrais » Français. Alors en essayant d’évoquer un « corps traditionnel français », il s’est attiré les foudres des mêmes contradicteurs que ceux de M. Zemmour. Lui aussi a omis de préciser dans son discours qu’il envisageait la portée symbolique d’une telle nomination, et qu’il ne s’opposait pas par principe à la nomination d’une personne issue de l’immigration.

Il a laissé planer une ambiguïté.

Pour leurs discours, ces deux personnes ont été immédiatement attaquées, menacées de poursuites judiciaires, et pointées du doigt comme racistes. Pour une ambiguïté qu’un rapide débat aurait permis de lever. Et ce débat aurait pu  permettre du reste d’évoquer des questions de fond qui ne manquent pas d’intérêt. Dans le premier cas, la question des statistiques ethniques. Dans le deuxième, la symbolique contenue dans les nominations de personnes issues ou non de l’immigration. Le plus grave, c’est que cette condamnation pour une ambiguïté ne peut s’expliquer que d’une seule manière : MM. Zemmour et Longuet ont été considérés par défaut comme des racistes. Dans le doute, les propos qu’ils ont tenus devaient donc être racistes. M. Zemmour n’a à ma connaissance jamais été condamné, et dans le cas de M. Longuet, on est allé exhumer sa participation il y a plus de 40 ans à un mouvement d’extrême droite.

C’est symptomatique, comme me le disait un ami, du renversement de la preuve qui s’est opéré. Aujourd’hui, quiconque s’aventure sur le terrain du débat sur l’immigration semble être considéré par défaut comme raciste, jusqu’à preuve du contraire. Chaque propos est ainsi examiné sous cet angle, et chaque ambiguïté est une preuve à charge supplémentaire. La présomption d’innocence est la règle en matière de justice, elle devrait également l’être en matière de débat. Mais en l’occurrence, la condamnation médiatique arrive beaucoup plus vite que la condamnation judiciaire. La liberté d’expression en France n’en sort pas grandie.

MAJ: Comme un bonheur n’arrive jamais seul, le CSA vient de sanctionner Canal + (chaîne sur laquelle les propos de M. Zemmour ont été retransmis) en lui adressant une mise en demeure. Vive la télé, espace de liberté. Suite au prochain épisode.

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Les charters et l’Afghanistan, une question de principe ?

Il y a quelques jours, la France a renvoyé par charter trois ressortissants afghans dans leur pays, pourtant encore largement perturbé par les conflits qui s’y déroulent, et qui nécessitent la présence de forces armées internationales. De nombreuses associations et personnalités se sont élevées contre ce qu’ils considèrent comme un nouveau durcissement à l’égard des étrangers.

La question de l’immigration en France est une question épineuse, qu’il est impossible de résumer en une note de blog. Néanmoins, certains faits nous indiquent comment chaque parti envisage la chose, et le renvoi récent de trois Afghans dans leur pays d’origine nous renseigne sur la façon dont la droite prend en charge la mission qu’elle s’est donnée, au travers du Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité sociale et du développement solidaire (ouf !).

Il me semble qu’au-delà de la simple question de l’immigration, le renvoi d’étrangers dans leur pays encore en guerre pose la question des limites de la capacité d’accueil de la France, et de celle des principes régissant l’accueil. C’est l’argument invoqué par les opposants à ces expulsions, la question de principe. La France est une terre d’accueil, par tradition. Mais cette tradition est fondée sur de grands principes, énoncés en partie dans le préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946. « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Quand on sait que les Talibans en sont à trancher les mains de ceux qui osent aller voter, il est normal d’envisager de pouvoir accueillir ces gens.

Je crois qu’on peut reconnaître le caractère des gens (et des pays) aux principes qu’ils respectent, et à ceux auxquels ils sont prêts à faire des entorses. Bien sûr, il serait impossible d’accueillir l’ensemble de la population afghane terrorisée, mais il ne faut pas oublier que cet accueil doit être provisoire, et que les réfugiés de guerre n’ont pas vocation à rester sur le territoire éternellement. C’est d’ailleurs le sens de la présence européenne en Afghanistan, qui doit permettre à ces personnes de regagner leur pays le plus rapidement possible, mais en sécurité cette fois.

Si l’on venait à apprendre que l’un des trois Afghans renvoyés était mort dans un attentat, quelle serait la responsabilité de la France ? Le réfugié de guerre obéit à une logique plus impérieuse que l’immigré « économique ». Il ne s’agit pas seulement pour lui de trouver une vie meilleure, il s’agit de conserver la vie. Voilà un grand principe qui mérite d’être défendu.

Les défenseurs de ces charters (M. Besson, M. Fillon) se sont ingéniés à placer cette question dans le contexte global du débat sur l’immigration, mais les Afghans, à l’heure actuelle, restent un cas particulier, et qui devrait être traité comme tel, avec un surcroît d’humanité (qui ne semble pas être la qualité première du ministre actuel).

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